Excellences,
Chers Amis du peuple rwandais,
Bana b’uRwanda,
L’association IBUKA – Mémoire et Justice -, qui vous accueille à cette Soirée de la Mémoire organisée dans le cadre des journées RWANDA “IBUKA – SOUVIENS-TOI ”, a été créée en août 1994, à Bruxelles, par des Rwandais et des Belges désireux, notamment, de perpétuer la mémoire de toutes les victimes du génocide et des massacres.
Vous trouverez des informations plus détaillées sur notre association dans les documents qui vous ont été distribués à l’entrée.
La raison de notre rassemblement de ce soir, faut-il le rappeler, est la commémoration du déclenchement du génocide et des massacres perpétrés au Rwanda, il y a exactement deux ans.
Pour commencer, je vous invite à passer brièvement en revue le chemin parcouru depuis la dernière commémoration, le 7 avril 1995.
S’agissant du Rwanda, les efforts entrepris par le Gouvernement et par le Peuple rwandais, à partir du 8 mars 1995, en vue d’assembler et d’inhumer dans la dignité les restes des victimes du génocide et des massacres ont été poursuivis sans désemparer jusqu’à ce jour. Aujourd’hui même, la commémoration coïncide avec les funérailles publiques de plusieurs milliers de victimes assassinées dans la préfecture de Gikangoro entre avril et août 1994.
Dans cette préfecture qui a fait partie de la prétendue “zone humanitaire sûre” imposée par l’“opération Turquoise” de l’armée française, les assassinats ne sont pas arrêtés en juillet comme dans le reste du pays ; au contraire, ils se sont poursuivis en plusieurs endroits de même que les destructions systématiques de biens publics et privés.
Il faudra, sans doute, de nombreuses années avant que l’ensemble des charniers soient découverts et que les victimes reçoivent une sépulture décente. Nous savons pourtant qu’au Rwanda, comme partout au monde, l’accomplissement de ce devoir est considéré comme primordial pour les survivants.
La période d’avril 1995 à mars 1996 a également été marquée par l’arrestation, au Rwanda, de plusieurs milliers d’auteurs, co-auteurs et complices présumés du génocide et des massacres. En Belgique, la justice a procédé à la mise en détention de quatre Rwandais sur lesquels pèsent de lourdes présomptions de participation aux mêmes crimes.
Deux pays africains, et seulement deux pays à ce jour, la Zambie et le Cameroun, ont récemment interpellé quelques suspects se trouvant sur le territoire.
Nous déplorons cependant le fait que ni le Tribunal Pénal International pour le Rwanda –créé en novembre 1994- ni le Rwanda, ni aucun autre pays n’ait encore jugé de responsables présumés du génocide et des massacres. Pire, des milliers de suspects circulent toujours librement dans des pays étrangers. Certains sont même choyés par les gouvernements de pays africains et européens bien connus.
Il y a pourtant urgence ! Non seulement parce qu’il y va de la réalisation des droits fondamentaux des victimes décédées et survivantes, mais aussi parce que le négationnisme, amorcé pendant que se commettaient le génocide et les massacres, prend aujourd’hui des dimensions inquiétantes. Qu’il revête la forme d’une négation pure et simple ou d’une atténuation des faits, ou encore celle, plus élaborée, de l’affirmation d’un “double génocide” à l’issue duquel tous les “camps” rwandais se retrouveront à égalité dans le crime, à la fois victimes et bourreaux le résultat visé est le même, à savoir : barrer la route à la justice et perpétuer l’impunité avec, de surcroît, l’alibi fallacieux de la réconciliation.
Les multiples défis auxquels est confrontée la société rwandaise, aujourd’hui, ont fourni la matière de la première phase de notre commémoration, cette année, sous la forme d’ateliers de réflexion organisés le 30 mars à Bruxelles. Les “conclusions et recommandations” de ces ateliers sont disponibles et parviendront incessamment à toutes les personnes qui se sont inscrites à ces travaux.
Cette fois encore, nous avons souhaité consacrer quelques moments à l’évocation des faits afin de fixer dans la mémoire l’horreur que le Rwanda a subie à partir du 7 avril 1994. C’est ainsi que l’exposition des photos relatives au génocide et aux massacres est, à nouveau, présentée ici, au sous-sol, dans la salle de conférences du Centre Culturel “Le Botanique”.
Pour la première fois, nous avons pu disposer de films documentaires tout récents, d’une qualité exceptionnelle, dont la projection pendant trois jours, en présence des réalisateurs, aura réactualiser avec force la tragédie qu’a connue le Rwanda. Nous remercions sincèrement les cinéastes et les maisons de production qui les ont aimablement mis à notre disposition.
La soirée de la Mémoire qui nous réunit, à présent, se veut le cœur même de cette évocation respectueuse du souvenirs des victimes du génocide et des massacres. Je m’incline devant le courage et la générosité des rescapés rwandais qui ont acceptés d’évoquer pour nous leur calvaire et de nous offrir ainsi la possibilité de partager la souffrance de toutes les victimes du drame. C’est avec émotion que j’exprime aussi mes remerciements à Monsieur Efraim ZUROFF, Directeur du Centre Wiesenthal à Jérusalem, qui a bien voulu répondre à notre invitation et nous faire partager l’expérience douloureuse du Peuple juif, victime de la Shoah.
L’Ambassadeur du Rwanda, Son Excellence Monsieur Denis POLISI, a, comme l’année dernière, tenu à participer à cette commémoration en nous apportant, ce soir, un message du Gouvernement rwandais et en conviant tous les participants à un moment de recueillement à l’Ambassade du Rwanda demain, lundi, à 17h30.
Monsieur l’Ambassadeur, votre présence, en tant que représentant du Rwanda, nous rassure car les informations diffusées par certains médias quant à l’issue du jugement des responsables du génocide et des massacres en préparation au Rwanda pourraient semer le trouble dans les esprits, susciter l’inquiétude et raviver les blessures des survivants du génocide et des massacres. L’association IBUKA – MEMOIRE et JUSTICE exige un jugement équitable et exemplaire des auteurs du génocide et des massacres.
Mesdames, Messieurs,
Aujourd’hui, deux ans après le déclenchement du génocide et des massacres, le moment est venu de donner aussi à notre commémoration un caractère concret et pratique. Cette ambition, nous souhaitons la réaliser cette année en appelant le public à soutenir les parties civiles rwandaises et belges qui ont engagé des procédures juridiques, en Belgique, contre des auteurs et des complices présumés du génocide et des massacres perpétrés au Rwanda. Il est essentiel, en effet, d’associer constamment le devoir de mémoire au droit à la justice pour les victimes que nous commémorons et de donner à cette association des formes concrètes auxquelles chacun peut participer, là où il se trouve, et selon ses moyens.
Une autre forme de participation que nous suggérons consiste à contribuer à la construction d’un monument en mémoire de la résistance au génocide et d’un village de la paix dans la préfecture martyre de Kibuye, située à l’ouest du Rwanda, au bord du la Kivu. Nous entendrons à ce propos, dans quelques instants, le témoignage de Mademoiselle Rose MUKANKOMEJE, Député à l’Assemblée Nationale, responsable de SOLIDARITE KIBUYE et vice-présidente d’IBUKA – Rwanda, créée voici quelques mois.
Les deux projets que je viens d’évoquer s’inscrivent dans un effort de solidarité en faveur des victimes survivantes du génocide et des massacres perpétrés au Rwanda. C’est à ce prix que nous acquérrons ensemble la capacité nécessaire pour affronter les conséquences immenses et durables de cette tragédie et pour empêcher la répétition.
Je ne terminerai pas cette intervention sans remercier les institutions et les personnalités qui ont soutenu nos activités tout au long de la préparation et de la réalisation des Journées RWANDA IBUKA – SOUVIENS-TOI 1996. Vous me permettrez de mentionner spécialement le Secrétariat Général des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles, la Communauté Française de Belgique, l’Union Européenne ainsi que le Centre Culturel “Le Botanique” qui nous accueille si aimablement une fois encore.
Mesdames, Messieurs,
Cette commémoration n’aurait pas eu la qualité ni l’envergure qu’elle a sans le concours mutuel et multiforme entre les associations IBUKA – MEMOIRE et JUSTICE, Comité pour le Respect des Droits de l’Homme et la Démocratie au Rwanda (C.R.D.D.R.), Oxfam-Belgique et le Centre National de Coopération au Développement (C.N.C.D.).
Au nom d’IBUKA, j’exprime notre gratitude à nos partenaires pour cette remarquable collaboration et je vous remercie, Mesdames et Messieurs, d’avoir si chaleureusement répondu à notre invitation.