Transmission de la mémoire : analyse des causes profondes et le déroulement du génocide contre les Tutsi 31 ans après
Préambule
Introduction par le président d’IBUKA Mémoire et Justice, Monsieur TWAGIRA MUTABAZI Eugène
L’objectif du colloque est de permettre de se réunir chaque année, une semaine avant la commémoration, pour réfléchir et discuter des causes et origines du génocide mais surtout des conséquences du génocide.
Le thème est dès lors l’examen des constats du génocide après 31 ans.
Avec le temps, nous constatons que l’histoire se répète. Aujourd’hui, nous allons voir ensemble ce qui se passe et comprendre ce qui arrive actuellement et le lien avec le passé.
Mais tout d’abord, nous devons aborder le changement de dernière minute du parlement fédéral quant à l’accueil de notre évènement à la chambre du parlement. En effet, le colloque était précédemment soutenu et encouragé et dans le cadre de cette collaboration, le parlement fédéral avait accepté d’accueillir le colloque. Cette collaboration s’était renouvelé cette année mais en dernière minute, à la veille du colloque, l’accès à la chambre du parlement nous a été refusé et le député MR a retiré sa participation.
Quel est la position IBUKA quant au refus de la chambre du parlement fédéral de nous offrir l’opportunité de
présenter le colloque annuel au sein de leur institution malgré l’accord de principe ?
Le président du parti a annulé le colloque suite à la détérioration des relations diplomatiques entre la Belgique et
le Rwanda.
L’institution a informé IBUKA de l’annulation du colloque dans leur chambre suite à un changement de
programme du colloque, à la participation du Ministre Dr. Bizimana et de la situation de tension entre les deux
pays.
L’institution aurait également reçu des désapprobations d’opposants suite à l’inclusion, dans le programme, de
l’intervention du député MR et du soutien du groupe politique dans l’organisation du colloque.
IBUKA rappelle cependant que :
- IBUKA est une ASBL qui a vocation à réaliser un travail de mémoire pour les victimes du génocide et un
travail d’analyse des conséquences du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda. IBUKA n’a pas
de vocation politique. - IBUKA est indépendant et est seul responsable de l’organisation du programme dans le cadre des
objectifs de l’association. Aucun accord préalable n’a dû être obtenu par le parlement les années
précédentes. - La participation à distance du Ministre BIZIMANA ne devrait déranger l’accord de principe sur
l’organisation. - Discours de l’ambassadeur du Rwanda auprès de l’Union européenne, S. E. Igor Cesar
Dans le contexte présent, notre rôle de gardien de l’histoire est plus que jamais important.
Cette année marque un tournant, 31 ans. C’est la première page d’un nouveau chapitre : le Rwanda s’est reconstruit, l’unité rwandaise a perduré et le pays est devenu un havre de paix.
Mais une chose ne change pas : la lutte contre l’oubli et la désinformation.
Aujourd’hui, la mémoire est manipulée et l’histoire est modifiée. Aujourd’hui, le révisionnisme domine. Ils reconnaissent les faits mais en modifient les détails. Et c’est inacceptable.
Cela envoie le message que la mémoire ne mérite d’être honorée que dans un contexte de paix. Les
conséquences sont indéniables.
Il est dès lors de notre responsabilité de poursuivre le travail de mémoire, de relayer l’histoire telle qu’elle est car
seul le récit juste des faits peut occasionner des conséquences dans la justice. En effet, sans mémoire, il n’y a
pas de responsabilité et sans responsabilité, l’histoire peut recommencer.
Les origines du génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994
1. Analyse des causes profondes, du contexte historique et politique
Honorable Dr. BIZIMANA Jean Damascène, Ministre de l’Unité Nationale et de l’Engagement Civique (MINUBUMWE)
Hon. Dr Bizimana nous rappelle que les excuses présentées par la Belgique n’étaient pas sincères car leurs actions récentes démontrent leur manque de soutien et leur désolidarisation. Mais cette désolidarisation est historique.
Mais pourquoi ne pas revenir sur la responsabilité de la Belgique ?
Depuis le début de la colonisation, le droit international n’a pas été respecté.
La Belgique est arrivée au Rwanda en 1916 et le Rwanda est devenu officiellement une tutelle en 1918.
En date du 13 décembre 1946, l’Assemblée générale de l’ONU a signé un accord sur les conditions à respecter
lors de l’établissement de la charte des Nations unies :
- Favoriser le développement économique et social du pays
- Favoriser les étapes vers l’indépendance
- Encourager le respect des droits de l’homme
- Assurer à la population locale l’égalité des traitements dans l’administration de la justice
Or, la Belgique n’a jamais respecté ces obligations lors de sa gouvernance au Rwanda.
La Belgique est arrivée dans un pays caractérisé par une population rwandaise unie : il y avait une cohésion
sociale, une triple unité, à savoir dans la vie sociale et le respect des codes, une unité linguistique et une unité
religieuse.
Pour gouverner le pays, le belges ont divisé le pays et mis un terme à l’unité.
- Quelle a été la méthodologie ?
- Ils ont tenté de dissoudre la monarchie et ont mis un système de gouvernement constitué de 7
échelons :- Le roi
- Le gouverneur général du Congo belge
- Le vice-gouverneur général
- Le résident du Rwanda siégeant à Kigali
- Le roi Mwami (roi lors de l’arrivée des belges devient le 5eme pouvoir)
- Le conseil supérieur du pays (administration coloniale)
- Les assistants de l’administration coloniale
- La population
- Ils ont tenté de dissoudre la monarchie et ont mis un système de gouvernement constitué de 7
Cette dissolution a commencé en 1917. La réforme a favorisé les institutions coloniales par rapport aux
institutions du pays (comme le roi Mwami) dans lequel ils se sont installés.
- Ils ont ensuite mis en place plusieurs réformes pour développer leurs propres économies.
Dans le cadre de ces réformes, comme précédemment expliqué, ils ont divisé la population. Ces démarches ont
été le préalable des tensions entre les ethnies rwandaises.
En 1932, ils ont débuté l’inscription sur les cartes d’identité des ethnies de la population rwandaise. Il s’agissait
d’une mesure arbitraire qui a été à l’origine des ravages et du génocide qui a suivi.
Ils ont ensuite permis la création du mouvement social Hutu en 1956, mouvement de l’émancipation des Hutu.
Ce mouvement était construit sur une base ethnique ( et deviendra le Parmehutu par la suite). L’association était
uniquement ouverte aux Hutu et cela démontre le début des modifications/organisation sur base ethnique.
En 1957, ils ont également permis la création de l’association pour la promotion sociale de la masse, toujours
basée sur l’ethnie.
Ces deux associations avaient un but de propagande : les Tutsi ne sont pas des rwandais et les Hutu devaient
s’émanciper des Tutsi.
Ces deux associations ont été soutenues par la colonisation belge et les missionnaires. Ce soutien a été critiqué
par les Tutsi qui ont demandé, en 1957, de revenir au respect de l’accord de tutelle par lequel le travail de tutelle
devait amener à l’indépendance et l’autonomie des Rwandais. Ceci a alors justifié, pour la Belgique, le soutien de
l’association sociale Hutu qui car cette acceptait le respect de la colonisation et des accords.
Les Belges ont rompu avec le mouvement revendiquant l’indépendance en coupant totalement la monarchie du
pouvoir et les remplaçant par les leaders du Parmehutu.
Le 25 juillet 1959, le roi Rudahigwa a été empoisonné par injection à Bujumbura par un médecin sur décision de
la Belgique.
Deux mois plus tard, les tous premiers documents anti-Tutsi – les 10 commandements des Hutu – ont été publiés.
Ces commandements sont un enseignement agressif à l’encontre des Tutsi : il ne faut pas vivre avec eux, ils sont
indésirables et il faut les tuer. Il s’agit de la première incitation publique à la violence ethnique.
Le 27 novembre 1959, il est d’ailleurs indiqué dans un journal que les deux ethnies ne peuvent vivre ensemble et
qu’il faut exterminer les Tutsi.
- Les belges ont laissé se dérouler une division de la population et des attaques constantes contre
les Tutsi
Il a été décidé de déplacer de manière forcée les Tutsi à Bugesera jusqu’en 1962.
Ceux qui sont restés à Kigali ont été victimes d’incendie et de violences constantes sur leur personne ou leurs
habitations/biens.
Le journal belge « La Cité » de 1960 a publié un entretien entre les responsables du Parmehutu et le roi
belge durant lequel il a été exposé au roi belge une menace d’extermination des Tutsi.
Malgré cette menace claire, aucune sanction n’a été formulé contre le mouvement social, ce qui démontre bien la
bonne entente et la collaboration entre la Belgique coloniale et le Parmehutu.
Lors de l’élaboration du gouvernement, il a ensuite été prévu de diviser les ministres selon les ethnies. Le
gouvernement en place a facilité la différence de traitement entre les Tutsi et les Hutus. Ainsi, à titre illustratif, le
ministre de la justice avait octroyé les biens de Tutsi aux Hutus et avait interdit de donner une suite aux requêtes
des Tutsi pour la récupération de leurs biens.
En 1962, les massacres continuaient.
Le Rwanda obtient son indépendance pendant cette période.
En 1963, il est publié une loi d’amnistie pour les meurtriers ayant tué durant les massacres de 1959. L’adoption
de cette loi marque le début de l’impunité des Hutu.
La même année, plusieurs massacres ont eu lieu contre les Tutsi. Il a été soulevé que ces massacres
constituaient déjà un génocide par les autorités locales. De plus, comme reporté par l’ambassadeur de France,
les Tutsi étaient emprisonnés par dizaine, évaluant à 15 000 le nombre de morts tout en ajoutant que le nombre
précis était impossible à connaitre en raison de la manière dont les tutsis étaient souvent massacrés (ils étaient
directement enterrés après le massacre, rendant difficile le calcul du nombre exact de morts).
La presse internationale a reporté ces événements tragiques. En Belgique, par exemple, le nombre de victimes
des massacres a été communiqué dans les journaux. La libre Belgique avait également reporté un réel risque de
génocide. Malgré les rapports dans les médias internationaux, les Hutu sont restés impunis et aucune décision
n’a été prise pour tenter d’assister les Tutsi.
- La marginalisation des Tutsi a été faite sous toute forme : la haine est diffusée dans les journaux,
dans la musique, et même dans la loi (ex : loi de 1966 interdisant aux réfugiées de retourner dans
leurs pays)
Tous ces éléments démontrent un soutien de la Belgique depuis la période coloniale.
Et aujourd’hui ?
En Belgique, nous constatons un mouvement négationniste assez important. La Belgique autorise ou donne une
liberté à la promotion d’articles négationnistes et laisse ainsi une place à une discussion sans sanction.
Il ne faut donc pas être étonné des actions actuelles du gouvernement belge qui n’est qu’une suite cohérente
(bien que regrettée) de leurs actions passées.
2. « La haine je dis NON »
Madame Ina VAN LOOY, directrice du centre d’éducation à la citoyenneté du Centre communautaire Laïc Juif David Susskind, responsable du programme d’éducation à la citoyenneté « La haine je dis NON » Le CCLJ est une maison juive laïque qui est née il y a près de 65 ans et a été mise en place par des rescapés de
la Shoa.
Au CCLJ, il y a une volonté de sensibiliser sur le crime de génocide, notamment celui contre les Tutsi perpétré en 1994, tant en participant à des mobilisations contre le négationnisme qu’en organisant la programmation de conférences consacrées au génocide. Le centre présente également des articles, des analyses dans leur journal
ou sur leur site internet.
« La haine je dis non » est un programme par lequel la question de l’identité est étudiée ainsi que le crime de
génocide. C’est un programme d’éducation pour les + de 15 ans qui sensibilise aux 4 génocides du 20ème
siècle.
Il y a également de plus en plus de projets qui s’organisent autour du génocide des Tutsi, notamment dans des
écoles et par la création d’expositions.
Le centre organise également des voyages d’étude notamment au Rwanda qui sont centrés uniquement sur le
génocide.
La Communauté Internationale est-elle en train de rééditer son inaction coupable à l’Est de la RDC ?
1. Comment expliquer l’abandon de la communauté internationale lors du génocide contre les
Tutsi en 1994 ?
Monsieur SAGAGA Ernest, SG de la Fédération des Clubs de la Presse ACP, ancien président d’Ibuka Belgique
L’abandon de la communauté internationale est un fait de notoriété publique. Depuis le génocide, les institutions internationales ont reconnu leur inaction face aux évènements de 1994.
A la suite du génocide, des excuses ont été transmises au Rwanda pour l’inaction face au génocide. Les divers pays ont tenté d’expliquer leur inaction pour diverses raisons : non connaissance de la situation, inconscience de l’étendue de la tragédie, etc.
Avec le passage du temps, nous avons pu constater la rétractation des pays dans leurs position post-génocide.
Mais une question reste : comment ont-ils pu abandonner les Tutsi en 1994 ?
a. Le prélude de l’abandon
Au titre du chapitre VI de la Charte des Nations unies, la Minuar (mission des Nations Unies pour
l’assistance au Rwanda) a été créé pour une durée initiale, selon la résolution 873, de 6 mois pour
évaluer la situation au Rwanda. Vu que la mission a été adoptée sous le chapitre VI, aucune initiative
militaire ne pouvait en découler (l’objectif était le maintien de la paix).
Très vite, la situation au Rwanda s’est dégradée. D’abord suite au blocage de l’installation des
institutions de transition selon l’accord d’Arusha ensuite suite aux actions anti-Tutsi et au propagande
Hutu.
Le 5 avril, le mandat de Minuar a été prolongée avec menace de dissolution de la mission en l’absence
d’une solution à la situation politique.
Cette décision était étonnante. Au lieu de renforcer l’assistance au vu de la situation de tension, la
communauté internationale a menacé de départir le pays.
Il y a lieu de se demander si cette résolution a du sens. Mais nous pouvons également nous demander
la question suivante : faute de pouvoir maintenir la paix, pourquoi la communauté n’a pas réagi pour
arrêter le génocide ?
Dès les premiers jours du génocide, l’ampleur de la situation a permis, tant sur place que dans les
institutions internationales, de qualifier les massacres comme des faits de génocide. Malgré ce constat
glaçant, aucune action de protection claire n’a été instaurée. Dès les premiers massacres, les Tutsi ont
tenté de trouver une protection auprès des casques bleus. Cependant, ces derniers n’étaient pas
mandatés pour assister dans la protection des victimes, ils ne pouvaient prendre d’initiative militaire et
avaient, au final, une mission fortement encadrée et peu utile face aux attaques.
Or, rappelons-nous que selon la convention de 1948 pour la prévention et la répression de génocide, la
situation de génocide est strictement interdite et est un crime contre l’humanité.
Il était dès lors de la responsabilité de la communauté internationale, notamment sous la Minuar,
d’apporter une aide dans l’arrêt des crimes de génocide.
Qu’est-ce qui a été mis en place alors ?
La résolution 918 a diminué les effectifs à 270 personnes et pour le reste, il a été décidé un retrait
immédiat.
Début juin, la Minuar II a été créé dans le but de mieux assister les victimes sur le terrain mais au final,
seulement 500 soldats ont été autorisés.
Ce n’est qu’en fin juin que la communauté internationale, dans le cadre du chapitre VII (utilisation de la
force) de la charte des Nations Unies, a décidé de créer l’opération turquoise pour appliquer la force.
Ceci intervient donc à la fin du génocide..
b. Comment expliquer cet abandon ?
Le premier élément à prendre en compte est le contexte internationale de l’époque. Dans la période du génocide,
il y avait des opérations mises en place par la communauté internationale pour assister la Somalie et l’ex-
Yougoslavie.
Ce qui est étonnant de remarquer est que le déploiement d’aide pour la Somalie et l’ex-Youslavie représente une
différence massive par rapport à l’aide octroyée au Rwanda. D’un point de vue géopolitique, cette différence
s’explique par les relations politiques et diplomatiques avec les deux pays. La Somalie, par exemple, se
présentait comme un pays stratégique pour les Etats-Unies.
Le Rwanda ne présentait pas d’intérêt pour la communauté internationale. Cela a d’ailleurs été démontré dans
les décisions de la communauté internationale. Par exemple, les instructions initiales données étaient un retrait
total du mandat de la Minuar et ce n’est que suite à une insistance de certains membres de l’ONU qu’un maintien
minime a été accepté.
Il est important, par ailleurs, de revenir sur le fait que beaucoup invoquent que le FPR s’est opposé à l’aide de la
communauté internationale. Il est normal, au vu de l’histoire du Rwanda, que l’intervention de certains pays (ex :
la France) dans des opérations d’aide au Rwanda a été remis en doute et même refusé. Et appuyer sur ces refus
renie une partie importante de l’histoire et profite à ceux qui l’invoquent au détriment de la réalité de la situation.
A qui incombait le manque d’action ? Au conseil de sécurité qui était chargé de la prise de décision dans
l’assistance au Rwanda et qui a manqué à ses devoirs et obligations dans l’arrêt d’un crime de génocide.
2. Défis géopolitiques dans la région des Grands Lacs : comment les dynamiques ethniques
influencent-elles la stabilité régionale ?
Monsieur TUZA Germain, géostratège et expert de la région des Grands Lacs
Malgré la leçon sanglante reçue du génocide de 1994, nous pouvons constater que l’histoire se répète à l’est du Congo.
La situation à l’est du Congo est directement liée à celle du génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994 et s’inscrit dans une idéologie similaire. Elle est rencontré par le même désintérêt, une inaction de la communauté internationale et occasionne une immigration dans des pays étrangers : nous constatons qu’il y a déjà plusieurs réfugiés Tutsi congolais.
L’extermination actuelle à l’est du Congo suit le même principe que le génocide de 1994, à savoir une
propagande, la déshumanisation des Tutsi congolais, une division extrême selon l’ethnie, une privation de
ressources de premières nécessités et des massacres constants.
Il y a une volonté d’extermination systémique des Tutsi Banyamulenge par des attaques constantes depuis des
décennies.
Malgré les nombreuses alertes et la demande d’assistance, les prises économiques et politiques ont été
privilégiées à la vie des Tutsi, tout comme en 1994.
Dans la région des Grands lacs, il y a 9 lacs. Cette région est aujourd’hui en compétition régionale (l’OTAN et
BRICS) et internationale par les grandes puissances pour son contrôle.
L’intérêt pour cette région s’explique par la présence de ressources indispensables. La région présente une
solution pour les problèmes auquel font face la communauté internationale (climat, technologie du futur, crise
économique, développement durable, etc).
On ne peut parler d’éradiquer la crise économique sans mentionner la région des Grands lacs.
L’intérêt pour les ressources peut d’ailleurs se constater dans l’affluence géographique dans le pays de la
République démocratique du Congo (ci-après RDC).
Le pays peut, en effet, être divisé selon « l’utilité de la région » pour les intérêts internationaux. L’ouest de la RDC
ne présente pas d’intérêt stratégique pour la communauté internationale car les ressources utiles sont situées à
l’est du pays.
La situation à l’est
Après le génocide des tutsi au Rwanda, les ex-FAR se sont réfugiés à l’est de la RDC et ont commencé
à se rassembler sous plusieurs groupes politiques et armés pour poursuivre leur offensive à l’encontre
des tutsi congolais. Il y a 12 factions qui en sont ressorties, certaines devenant des groupes de rebelles
actifs et d’autres prenant la forme de groupes politiques propageant l’idéologie génocidaire.
Le contrôle des ressources stratégiques
Les groupes de rebelles souhaitent s’approprier la région de l’est, région où sont localisés les Tutsi
congolais, pour s’approprier les ressources naturelles qui font l’objet d’un avantage pour contracter avec
la communauté internationale dans leur propre intérêt.
Dans l’histoire de la RDC, les ressources naturelles ont toujours fait l’objet de troc, contrebande et trafic
à l’avantage des parties dirigeantes.
Tous les groupes indiquent être dans la résistance contre l’évasion étrangère mais en réalité, ils
souhaitent exterminer les Tutsi congolais afin d’avoir un accès illimité aux ressources. Et cela est
démontré par leur collaboration avec des puissances comme la Chine.
- La région est d’une grande richesse ethnique, il y a une diversité ethnique et linguistique
La répartition des territoires par la communauté internationale a entrainé une division des peuples
ethniques. Le royaume du Rwanda a été divisé et son peuple partagé entre le Congo et le Rwanda. Le
nom qui a été donné au Tutsi congolais est une sanction car les congolais considéraient qu’ils étaient
sur un territoire qui n’étaient pas le leur et voulaient invoquer leur exclusion par leur noms. Bien qu’ils
vivent sur le territoire du Congo, ils sont exclus. - Le génocide des Tutsi au Rwanda et les massacres de Tutsi congolais depuis des décennies sont donc des
chapitres de la même tragédie.
Qui sont les acteurs ?
Acteurs principaux : ce sont eux qui sont au cœur du conflit :
- Gouvernement
- Militaires
- Groupes armés
- Population
Acteurs centraux : structures internationales et régionales :
- ONU
- UE
- Union Africaine
- CIRGL
- ONG
- Médias !!
Acteurs spéciaux qui ont des intérêts géostratégiques et économiques
- Grandes puissances
- Groupes d’influence
- Multinationales (trafic des ressources)
- Société de sécurité privée
- Diaspora congolaise
Justice et Mémoire : Enjeux des procès d’assises et impact du négationnisme sur le droit des victimes du génocide contre les Tutsi
- Le procès Neretse
Monsieur Jean – Philippe SCHREIBER, professeur à l’Université Libre de Bruxelles, membre fondateur d’Ibuka Belgique
Mr Schreiber nous a exposé un cas concret illustrant la propagation de l’idéologie génocidaire et ce même dans les cours de justice, comme dans l’affaire de Fabien Neretse.
Fabien Neretse était un homme clé au Rwanda, il était en charge d’une officine étatique dans le secteur du café.
Il a participé à des faits génocidaires et a activement donné des noms de victimes pour les massacres.
Durant son procès, plusieurs éléments ont pu être constatés et peuvent être utilisés dans l’analyse du
négationnisme.
a. Rhétorique idéologique
Le discours du conseil de Neretse, Me Jean Flamme, est étonnant et violent. Ce dernier dit que :
- Le génocide est une propagande, une machination des Tutsi
- Les vrais génocidaires sont actuellement à Kigali : pour lui, ce n’est pas le gouvernement Hutu qui est
responsable du génocide mais bien le gouvernement en place à Kigali - La population Hutu a agi en légitime défense; en réponse aux attaques des Tutsi
Ce dernier s’est permis, rappelons-le, de tenir de tels propos car il était protégé par une immunité de plaidoirie.
b. L’usage d’expertise pour donner un aspect prétendue objectif à la défense de Fabien Nereste
Sous les apparences de légitimité, les experts choisis vont faire des discours violemment négationnistes.
A titre illustratif, ils vont invoquer l’hypothèse du double génocide et vont indiquer que le génocide commis contre
les Tutsi n’est qu’une responsabilité de ces derniers eux-mêmes. Ce génocide aurait été conçu et mené à terme
par le Front patriotique rwandais (FPR) pour arriver au pouvoir. Le FPR aurait alors choisi de sacrifier les Tutsi
vivant au Rwanda pour permettre aux Tutsi habitant à l’extérieur de conquérir le pouvoir.
La défense de Nereste a également cité l’ancien ambassadeur de Belgique au Rwanda (Johan Swinnen) comme
« expert ».
Ce dernier invoque que les historiens qui défendent le génocide perpétré contre les Tutsi mènent en bateau la
communauté internationale.
Mr Schreiber a pu examiner, dans son livre, la défense utilisée par la partie de Nereste et a pu soulever que deux
phénomènes ont été utilisés par les avocats de Nereste :
- Le racisme anti-Tutsi : le discours raciste qui a été prodigué dans l’enseignement au Rwanda puis dans
l’idéologie génocidaire est centré sur la suspicion des origines des Tutsi (qui ne seraient pas africains, à
tout le moins pas rwandais et seraient caractérisés par une culture du mensonge). Ce discours a été
utilisé par la défense de Nereste et est en ligne directe avec le racisme anti-Tutsi propagé depuis des
décennies et qui a précédé le génocide. - Ce qui est intéressant dans cette vision est qu’on voit se concrétiser la sémitisation des Tutsi comme dans la
propagande antisémite (race se prétendant supérieure mais qui est en réalité immorale). Ainsi, les Tutsi seraient les « Juifs de l’Afrique ».
Ex : la défense s’en remet aux écrits de Pierre Péan qui parlait des Tutsi comme ceux qui auraient l’art du
mensonge.
- La violence du discours négationniste : non seulement en niant son caractère intentionnel (qui vide alors
le sens du génocide) mais également en appliquant une théorique de l’inversion (les Tutsi seraient les
véritables instigateurs du génocide et sont les responsables du génocide). Le génocide aurait ainsi,
selon eux, été une libération de l’oppression subie par les Hutus.
2. Discours de haine, épuration ethnique et génocide à l’est de la RDC– les Tutsi congolais victimes de l’idéologie de la haine
Maître Bernard MAINGAIN, avocat au Barreau de Bruxelles
Un collectif d’avocats, dont fait partie Me Maingain, analyse la situation à l’est de la RDC.
Depuis le début de leur mission, le collectif a introduit une trentaine de plaintes au RDC (à Bukavu, Kinshasa, etc).
Dans ces trentaines de plaintes, aucune n’a été suivie d’une action par les autorités judiciaires de la RDC. C’est
d’ailleurs dans ces circonstances qu’ils ont été plus loin et ont décidé d’une part de rendre publique certaines
plaintes (suite au manque d’intérêt des autorités congolaises et internationales) et d’autres part de transmettre
une partie des plaintes à la Cour pénale internationale.
Ils ont procédé à l’enregistrement de témoignages complets de victimes Banyamulenge pour alimenter les
dossiers auprès de la Cour pénale internationale. Ils ont déposé des dizaines de témoignages concernant des
faits de torture, de viols, de crimes contre l’humanité commis.
Suite à leurs enquêtes, ils ont également recueillis quelques témoignages d’anciens soldats dans les groupes de
rebelles. Dans ces témoignages, certains de ces anciens soldats ont commencé à expliquer les instructions
d’attaque et ont permis de confirmé que les instructions/objectifs étaient dirigés à l’encontre des Tutsi
Banyamulenge.
C’est dans ce contexte que le collectif tente de comprendre le silence de la communauté international vis-à-vis de
cette crise majeure. Qu’est-ce que font concrètement les autorités politiques belges ?
Ex : plusieurs milliers de personnes ont été torturées à la Demiap – le service de renseignement militaire dirigé
par un belge d’origine congolaise Christian Ndaywell. Malgré la plainte à son encontre, aucune sanction n’a
encore été prononcé par la Belgique.
Me Maingain a pu constater que la communauté internationale et la Belgique n’ont rien fait pour arrêter les
discours de haine et les crimes contre l’humanité et crimes de génocide.
Il y a un étrange parallèle entre la situation des tutsis en 1959 et 1990 quand leurs voix n’étaient pas encore
entendus et celle des Tutsi congolais aujourd’hui.
Il y a un même silence, une même solidarité avec les personnes qui ne respectent pas les principes fondateurs.
Il y a une invitation de Me Maingain à se joindre à la lutte et d’assister sur place à la vérité, à l’expérience atroce
vécue par les victimes des massacres à l’est de la RDC.
